La non-violence est-elle efficace ?
Le Dernier Temps commence par la scène historique de la Marche du Sel en 1930, menée par les hindous pour se libérer du joug des colonialistes anglais. Gandhi était convaincu que « des moyens justes mènent à des fins justes ».
Pour tout un chacun, face à l’oppression, face à des difficultés insurmontables, la non-violence est inefficace. Pas pour Gandhi. Toute sa vie, il est resté convaincu de son bien-fondé.
Au fil des années, cette forme de lutte sociale a été adoptée par des populations entières, partout dans le monde, dans le cadre de campagnes en faveur de la justice sociale.
Peut-être vous demandez-vous si elle est toujours efficace de nos jours. Commençons par comprendre ce qu’elle est.
< Gandhi à Dandi, sud du Gujarat, ramassant du sel sur la plage le 5 avril 1930, à la fin de la Marche du sel
Dans son livre The Politics of Nonviolent Action (Les politiques de l’action non-violente), le professeur Gene Sharp, grand spécialiste de la résistance non-violente, utilise la définition suivante : « L’action non-violente est une technique grâce à laquelle ceux qui rejettent la passivité et la soumission, et qui considèrent que la lutte est essentielle, peuvent livrer leur combat sans recourir à la violence. L’action non-violente ne cherche pas à éviter ou à ignorer les conflits. C’est une façon de répondre à la question de savoir comment mener une action politique efficace, et de savoir en particulier comment utiliser ses pouvoirs avec efficacité ».
^ Bus de Montgomery dans lequel Rosa Parks est montée le 1er décembre 1955, musée Henry Ford. Rosa Parks a refusé d’abandonner son siège. Ceci a déclenché le Boycott des bus de Montgomery, événement important des Mouvements américains des droits civiques.
Au départ, la non-violence était une attitude fondée sur la morale individuelle. Avec les luttes sociales modernes, cette attitude s’est transformée en un moyen d’action collectif. La non-violence délégitime la violence, promeut une attitude de respect de l’autre dans le conflit et est une stratégie d’action politique pour combattre les injustices.
Une des bases théoriques de la non-violence est que le pouvoir des dirigeants dépend du consentement des populations. C’est pourquoi la non-violence cherche à saper ce pouvoir en refusant aux dirigeants le consentement et la coopération des masses.
Trois grandes catégories d’action non-violente existent : des actions de protestation et persuasion, y compris des manifestations et des veillées ; de la non-coopération ; des interventions non-violentes, telles que des barrages et des occupations.
Par ses origines mêmes, religieuses, elle recouvre aujourd’hui encore des réalités différentes.
Barcelone, 19 Juillet 1936 >
La non-violence est un principe fondateur de toutes les religions de l’Inde (jaïnisme, hindouisme, etc.), du christianisme, du judaïsme (néanmoins, ce terme en tant que tel n’apparaît jamais dans la Bible), de l’islam, mais aussi de la philosophie. Elle se définit plus simplement comme une « opposition à la violence sans nuire ou causer du tort à autrui ».
Pour autant, la non-violence judéo-chrétienne n’est pas universelle comme l’ahimsâ, la non-violence originelle, formulée pour la première fois en Inde. En effet, la « non-violence » biblique se limite aux humains. Par exemple, elle ne rejette pas les rituels d’abattage d’animaux et de consommation de viande.
Dans l’hindouisme, le jaïnisme, le bouddhisme et le sikhisme, la non-violence, appelée ahimsa, et parfois traduite par « non-nuisance », est étendue à toutes les créatures, en lien avec la croyance en la réincarnation et le végétarisme.
Le combat non-violent utilise des moyens que l’adversaire ne maîtrise pas et en face desquels il est le plus souvent démuni ou déstabilisé : des moyens de persuasion (lettres, pétitions, etc.), des moyens de pression (marches, manifestations, enchaînements, sit-in, etc.) et des moyens de contrainte (grèves, boycott, désobéissance civile, etc.) qui vont l’obliger à céder, à négocier, à reconnaître ses droits. Contrairement au combattant violent, même après un échec, le combattant non-violent n’est jamais définitivement vaincu, même si la répression a réussi à mettre fin à sa vie. Pour ses partisans, un combat non-violent n’est jamais perdu : il contient toujours une part de victoire.
Ces principes (persuasion, pressions et contraintes non-violentes) s’appliquent également aux conflits entre personnes. Face à un coup de poing ou un chantage violent, les non-violents proposent des réponses plus efficaces qu’un combat de boxe au résultat incertain.
Vous en doutez ? Lisez ce qui suit.
Contrairement à ce que beaucoup pensent, les études en sciences sociales montrent que la non-violence est, dans le contexte de régimes autoritaires, deux fois plus efficace que la violence.
Ainsi, en 2011, deux chercheuses américaines ont comparé 316 mouvements de résistance, violents et non-violents entre 1900 et 2006. Leur étude montre que les mouvements non-violents sont en général deux fois plus efficaces que les mouvements violents. Mais cela ne veut pas dire non plus que la non-violence réussit à chaque fois : seulement 40% des mouvements non-violents ont atteint leur objectif.
Frères d’armes. Frères de feu… frères de deuil.
Extrait du roman Le Dernier Temps, page 77
La non-violence est parfois plus efficace pour deux raisons.
La première, c’est que la non-violence permet de faire masse. Un mouvement non-violent permet de réunir de larges pans de la population, notamment des personnes qu’on pourrait dire vulnérables : des personnes âgées, des jeunes, des personnes handicapées, des personnes précaires économiquement qui ne peuvent pas participer à un mouvement violent car la violence a des coûts personnels, psychologiques, physiques beaucoup plus élevés, et donc les mouvements violents réunissent souvent moins de monde que les mouvements non-violents. Or le nombre fait la force.
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